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L e P i x d r e a m e r
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24 août 2011

C’EST LA CRISE

laitdamande_fruitrouge

C’est la crise. Vous avez remarqué ? Depuis 1972 c’est la crise. La crise du pétrole d’abord qui a commencé le jour où les petits princes du golfe persique ont réalisé qu’ils nous tenaient les bourses et qu’ils pouvaient serrer autant qu’ils voulaient jusqu’à plus soif. Cette crise là qui valut aux communicants politiques le slogan « en France on n’a pas de pétrole mais on a des idées » a entrainé d’autres crises qui sont dorénavant notre état permanent.  « Oh la crise hé ! » est alors devenu une expression à la mode dans la jeunesse de l’époque. Tout n’était que « crise de rire ». « Ah la crise » était la marque d’une excitation très communicative, jubilatoire presque. « Ouah la crise hé ! » vous vous souvenez le ton éraillé sur lequel Coluche déclamait cette expression ? « On se fend la gueule ! » ajoutait-il.

La crise est donc partout enfantant chaque jour aux infos plein de petites crises ; crise du logement, crise d’identités, crise dans les hôpitaux, crise du monde salarié, crise dans les transports, crise du prix du lait, crise de la jeunesse, crise de l’art, crise du religieux et cotéra et cotera…

Dans le début des années 90, nous dinions dans un restaurant chic du XVIIème arrondissement de Paris (Apicius pour ne pas le nommer) avec ma cousine,  son mari expert et un couple d’amis à eux, des galeristes Art-Déco bien implantés rue de Seine. Soit dit en passant et pendant que j’y pense, j’y avais dégusté un des meilleurs soufflés au chocolat de ma vie. Or donc, la conversation traitait de tout et de rien et j’éprouvais les pires difficultés à m’y introduire. Mes quatre convives échangeaient des avis sur leurs derniers diners parisiens et comment il fut organisé, et ce que l’on y servit et comment ce fut servi, et le laisser aller du service et cette façon de vouloir faire comme chez chose. Puis la conversation glissait sur un meuble de Jean Michel Frank marquetté en écaille de tortue qui venait de « partir » pour 3millions de francs à Drouot ou ce bureau de Ruhlmann, ou encore cette lampe de Chareau « tout à fait exceptionnelle ». Après quelques énumérations de chiffres et des citations choisies montait une pincée d’inquiétudes sur l’évolution des lois du marché de l’art et l’ouverture prochaine des salles de ventes françaises aux anglais. Les séquences de conversations étaient, comme il se doit, ponctuées de commentaires savants et assurés à propos de ce que nous dînions ; la légèreté de cette mousseline accompagnant hardiment ce homard, le goût en seconde bouche de cette pincée de cannelle montant derrière les baies à croquer en même temps que ce tournedos, la tendreté de cette viande probablement argentine, l’idée merveilleuse de surmonter le tout avec une gousse entière… La crise s’immisçait subrepticement dans la conversation, par petites bouchées hésitantes juste à l’instant précis où la fourchette arrive à la bouche et est censée abandonner la précieuse denrée sur l’insatiable muqueuse. Parfois c’est un verre à pied éclairé d’un Montrachet de trente ans que l’on reposait plus vite que prévu avant d’essuyer les lèvres avec une serviette épaisse ramassée entre les doigts d’une seule main. Toute cette brusquerie imperceptible était due à la crise et ses innombrables effets secondaires jusque sur les nappes des restaurants chics. Je m’absentais discrètement en mon for intérieur mimant cependant quelques expressions concernées à mes intarissables convives et tachant de ne pas m’exclure complètement de propos si avertis. Néanmoins, était-ce du à mon jeune âge (comparé à mes amis), mon absence ne pouvait laisser indéfiniment indifférents les amis de ma cousine (qui secrètement sentait mon malaise), Irina et Bob. Irina était grande, sous sa tignasse bouclée pointait un nez crochu surmonté de deux yeux cerclés de noir qui exagéraient le physique de sorcière dont la nature l’avait affublé dès sa naissance. Ses multiples bracelets la rendaient bruyante et sa voix érayée n’autorisait pas de penser que cette femme puisse être gentille. Elle aurait pu aussi bien tirer les cartes ou scruter une boule de verre au fond d’une caravane pour des célibataires désespérés du boulevard des Batignolles mais le destin en avait fait une marchande d’objets des années 30 les plus coriaces de la place de Paris. Bob était encore plus grand et sa mine était celle d’un marin avachi. Il aurait très bien pu porter une casquette de capitaine de chalutier breton sur ses cheveux blonds-blancs encore abondants et l’on sentait que sa position sociale l’autorisait à ne plus porter de cravate y compris dans des situations où le protocole aurait exigé d’être stricte. De sa voix de basse se dégageait une certaine drôlerie. Dès le plateau de fromage enlevé, il extirpa de la pochette de sa veste un cigare qui, lui aussi, en disait long sur son poids financier. Le geste était sûr et l’impatience manifeste. A la première bouffée il se pencha vers moi. Non pas que je fusse de petite taille mais, à côté de gens aussi puissants et savants, j’avais forcément l’air d’une petite chose désuète échouée là par miséricorde. Il eut l’extrême élégance de s’adresser à moi comme à l’un des siens :

« Et vous, la crise vous la ressentez dans votre activité ? »

C’est le privilège des taiseux que de susciter à un moment ou à un autre l’intérêt des plus pédants, des plus narcissiques. Je percevais quand même une vraie sincérité dans sa question et l’envie d’une réponse non moins vraie. Je prie ma mine la plus étonnée :

« La crise ? Non Pas du tout, non. Pas de crise, non… »

La réaction ne se fit pas attendre. Deuxième bouffée, vite expédiée au dessus des fonds de Montrachet.

« Pas de crise ? Mais comment faites-vous ? Et que faites vous pour y échapper ? »

Son intérêt était là, tout entier cette fois-ci, à ma merci en quelques sortes.

« Bien, c’est assez simple au fond, vous savez. Moi j’ai toujours vécu dans le besoin, la privation, vous voyez, alors la crise pour moi ça n’existe pas. Mon père m’a toujours répété que nous n’avions « pas les moyens ». Ca ne va pas plus mal qu’avant. Je ne vois pas la différence, en fait. Je ne sais pas trop de quoi parlent les médias à ce propos. Moi, ce sont les mêmes haricots que je compte. Je pense que la crise est un concept inventé par les riches pour faire patienter les pauvres. Je n’y vois pas tellement d’autres fonctions, à vrai dire. »

Bob, le grand Bob qui sentait bon le tabac froid, tourna la tête vers l'expert, s’enquerra de l’addition tout en commandant une poire et trouva à mon endroit une phrase pour conclure notre échange :

« Eh bien, vous avez bien de la chance mon vieux ! »

 J’ai un ami qui a passé une vingtaine d’années dans la banque. Il a trainé dans les back office des trading places et dirigé des places financières pour des banques d’affaires  importantes à Hong Kong ou à Londres.

Depuis trois mois mon ami financier ne cesse de me répéter que la crise monétaire qui s’annonce est vraiment grave et que les américains sont sur le point de mettre la clef sous le paillasson, que demain la baguette peut couter 10 euros et les gens se précipiter dans les magasins faire des razzias de bouteille de flotte. Il est vraiment sérieux Ca n’est pas un hurluberlu.

La crise, la vrai quo!

The day after mais dans la vie de tous les jours.

Le bug majeur du capitalisme. Here we go!

Pourtant tout est calme, l’autoroute des vacances est recouverte de voitures neuves et la jeunesse de France s’achète ses petites drogues illimitées (scooters, cigarettes, téléphones portables, hasch, mojitos,…) avec son argent de poche pour aller faire la fête dans les boites de nuit.

On s’inquiète de savoir s’il va faire beau demain.

Les moteurs tournent même à l’arrêt. Le Co2 va bon train.

 « Crisis ? What Crisis ? » Vous vous souvenez de la pochette de ce disque de Supertramp ?

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Commentaires
B
Ma grand -mère disait :<br /> "C'est la crise sur le râteau"<br /> Dans l'pif évidemment...<br /> Et si ça c'est pas du bon sens!
R
Je devrais utiliser l'argument de la crise plus souvent avec mes enfants… mais, volonté de ne pas faire comme ma mère, je n'arrive pas à leur dire autre chose que "oui mon cœur" bien que parfois il faudrait leur dire non.<br /> Il n'y dans "la crise" qu'un concept inventé par les gouvernements "libéraux" pour nous masquer l'échec du capitalisme. Un boycott par ci, une intervention militaire (au non de la démocratie) par là… quelques rustines pour relancer la machine en esprant que cela tiendra.<br /> Il serait temps de réaliser que les deux grandes idéologies économiques ont vécu… qu'elles sont d'un temps maintenant révolu. Après avoir laissé mourrir la dictature du prolétariat (sauf quelques exceptions… mais où est le prolétariat), il serait temps de mettre fin aux souffrances du capitalisme (ou devrais-je dire infligées par le capitalisme) et trouver de nouveaux équilibres.<br /> Oui, je me souviens de la pochette et de l'album de Supertramp.<br /> Brûlons les places boursières et noyautons les conseils d'administration.<br /> Sur une note optimiste, il y a des gens qui essaient de changer un peu les choses:<br /> http://www.crisis.org.uk/
L e P i x d r e a m e r
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