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28 septembre 2021

"EN MODE SOUCI" de l'humour pas comme les autres.

ENMODESOUCI visuelneutre

Je viens de voir « En mode souci », le nouveau spectacle de Philippe Fertray, un florilège composé principalement de sketchs de « Pas d’souci ? » et de « En mode projet ». D’où le titre simple et direct. Premier clin d’œil pour les initiés.Florilège est le terme idoine tant le scénographe Evariste Desjoubards  s’est lâché sur les fleurs projetées en fond de scène. Le choix des sketchs est cependant enrichi de morceaux choisis du prochain spectacle dont j’ai l’autorisation de dévoiler ici le titre « Votez Bill de la Gourette ». Ça promet.
Car ce qui nous interpelle et nous réjouit immédiatement dans ce spectacle c’est la scénographie, le foisonnement des couleurs, le joyeux désordre que le comédien déplie petit à petit tandis que son texte se déploie. Tout ici est fleuri. L’écran, les chaises, les vestes, le cabas, les chaussettes, … Le langage également — pas au sens où on y trouverait quelques rabelaiseries à choquer les mémères — mais au sens où la réinvention du mot tend à tourner en dérision l'agitation de nos petits neurones.

Chez Fertray nous sommes loin du standup et du traditionnel défilé de pantins en jean’s et t-shirt noirs chaussés uniformément de Stan Smith proprets faisant les cent pas en racontant leur déboires sexuels ponctués en fin de phrase des mêmes expressions à verlan « truc de ouf ». Passons.
Même si, de son aveu, Fertray est un « obsédé textuel » que les verbiages, les métalangages, les expressions dialectales intéressent fondamentalement, tant leur usage ajoute à la confusion de l’époque. Autant dire que son personnage central est au rond-point de ce tourbillon médiatique sans gilet jaune mais accoutré d’une chemise à fleurs. Nostalgie du flower power et dégôut du follower mainstream en vigueur.

Dans les spectacles de Fertray, les personnages ont tendance à se multiplier. Pour notre plus grand plaisir. On se souvient de son imitation de Christine Angot alias Tristine Angoasse dans « Pas d’souci ? », de Jean-Karim et Kevin-Alain dans « En mode projet », voici aujourd’hui Jean-Jacky, le vendeur de masques invisibles, camelot de son état, Kim-Jean-Luc le geek transhumaniste, déjà présent dans « En mode projet », et qui inquiète de plus en plus par le salmigondis de son verbiage sorti de BFM business, Jean-Kevin, le coach en bien-être bidon qui refourgue sa méthode d’’accès au bonheur en cinq étapes, Arlette la coiffeuse lanceuse d’alerte pour qui les problèmes politiques seraient dus à une histoire de racine, et enfin le professeur Xavier Ragout qui voit dans la confusion généralisée le syndrome Bill de la Gourette ! Bah voyons ! Ça y est, nous avons quitté la rive du raisonnable et nous dérivons vers des cotes qui ne sont pas sur les cartes.

Signalons que ce syndrome Bill de la Gourette serait dû à « une fuite des cerveaux dans les oreillettes » et qu’il se manifesterait principalement dans « les réseaux soucieux » (sic).Bref, y’a du monde sur scène dans le corps agité de ce comédien qui annonce dès le premier sketch qu’il est de ceux qui se sont faits non- essentialiser dès le début de la pandémie.

Car c’est bien de cela dont il est question dans ce spectacle si original : le virus, les conséquences sur notre quotidien, la condition de l’homo numericus, la société du spectacle qui confond le réel avec les films, l’internationalisation de la sous culture populaire et accessoirement la condition du comédien. Toutefois il est clair que le burnout que l’acteur prétend avoir connu pendant la crise n’a pas entamé son énergie. Fertray nous prouve une fois de plus que pour lui le théâtre est un sport de combat. Grand bien nous fasse ! D’où sa première saillie « moi je veux des anticorps d’élite pour la guerre invisible mondiale ».
Le texte est travaillé à la virgule, il est pesé à l’arobe. Ça va vite, c’est exigeant mais c’est aussi burlesque, déconnant (il tient à cette notion). On relève à la dérobade quelques clins d’œil à Bourvil, Molière, Brassens, Charlie Hebdo, Boby Lapointe, Shakespeare, Jouvet …

Autant vous dire que Fertray a une grosse dent (de sagesse) contre l’empire chinois, l’empire « du milieu » ( Oh c’est marrant, on dit aussi « le milieu » pour parler des voyous) dont le totalitarisme Orwellien est ici dénoncé d’un bout à l’autre et de cour à jardin depuis la séance burlesque de QiGong qui ouvre les hilarités jusqu’à la lettre ouverte bien pesée à Xi Jinping ( un vrai morceau de bravoure). « On en a marre de votre nougat au sésame et de vos boules de coco !! ». Hilarant.

Je vous dis un dernier mot sur son sens du déplacement, de l’occupation de l’espace qui est une de ses marques de fabrique. Il est un passeur d’énergie (renouvelable). Et je vous dis un autre mot sur son rapport très créatif aux objets (il a bien regardé les nouveaux réalistes et les surréalistes) dont il trouve toujours à détourner l’usage initiale. A ce titre le numéro qu’il fait avec sa planche à repasser est une vraie trouvaille qui engendre une émotion singulière traversant le public. Aucun doute nous sommes au théâtre !
Je ne vous dis rien sur la final et la « danse de l’imbécile » qui est un pur hommage au métier de comédien, un petit chef d’œuvre dont l’ADN vient de la commedia dell’arte et qui est la plus belle des signatures de l’artiste après cette année qui a vu tant d’esprits partir en cacahuète.

Moralité ? Aucune. Lui en tous cas, il préfère en rire. De quoi ? De tout ce bordel. Allez-y, vous pourrez dire que vous y étiez.

Le Pixdreamer
Septembre 2021

On peut voir EN MODE SOUCI aux dates suivantes: 1, 2, 7, 8, 9, 12, 26 et 27 octobre, 18, 19, 20 novembre 2021.

Théâtre de la Contrescarpe, 5 rue Blainville. 75005 Paris.
Réservation : https://theatredelacontrescarpe.fr/philippe-fertray-en-mode-souci/

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