Le rasoir à 12 lames!
On sait depuis toujours que le monde publicitaire prend les gens pour des consommateurs, pire, des usagers, pire, des cibles, pire, des socio-styles, pire, des cochons de payeurs, pire, des cons.
Ça a commencé par la réclame (les années 50/60) dont le charme tenait essentiellement à sa naïveté puis avec l’évolution des technologies et des méthodes de marketing inspirées par des psychologues, des sociologues ou des commerçants sortis de grandes écoles, la publicité a phagocyté tous les médias possibles et imaginables ; les murs, les journaux, les panneaux, les vitrines, les toits, les terrasses, les champs, les bords des routes, les vêtements (que les gens acceptent de porter gratuitement), les semelles des chaussures, les films, les emballages, les serviettes en papier, les cendriers, les objets usuels, les mugs, les autocollants, les magnets, les livres d’école, les tours des stades, les motifs décoratifs, les signalétiques, les parapluies, les culottes…etc. Et aujourd’hui évidemment les écrans sur lesquels nous passons plusieurs heures par jour (une des dernières statistiques nous rapporte ce chiffre rassurant : un individu de type postmoderne comme nous ingère 2000 pubs par jour en moyenne). Ces écrans sont des ordinateurs, des Smartphones, des télés, des consoles. Les goldens boys des années 80 avaient même réussi à nous faire croire que la pub c’était de la culture, qu’elle développait en soi des approches intelligentes de modes de vie nouveaux. Souvenez-vous de cette émission très hype à l’époque « Culture Pub » qui faisait l’apologie de la culture d’entreprise via le message publicitaire. Tout le monde voulait faire de la pub à cette époque (encore récente) car il y avait « du pognon à se faire ». Les mêmes ambitieux n’avaient rien à foutre de chercher à savoir si ce qu’il vendaient relevait d’une quelconque éthique, d’un savoir faire recommandable ou noble, d’une tradition artisanale porteuse de valeur ou de sens ou d'un intérêt pour la santé publique.
Et c’est ainsi qu’ils nous vendaient du sucre blanc raffiné, des bagnoles hyper polluantes (ça continue), des sodas qui rendent obèses, des dentifrices qui ne lavent rien, des lessives aux pouvoirs magiques, …
Et ça continue of course. Il faut faire tourner le système. Comme disent les politiques des droites et gauches classiques pour nous redonner de l’espoir et faire croire à de vagues intentions sociales « il faut relancer la consommation ». Ouvrez grand donc, on va vous en remettre une louche. A ce titre le spectacle de nos contemporains se ruant sur les soldes dans les magasins est toujours un moment d’une absurdité sociétale paroxystique qui ne peut inspirer que de l’affliction.
Récemment il y a une pub qui me chiffonne vraiment c’est le spot pour le rasoir à 5 lames.
Il faut reprendre l’histoire au départ. Le bon vieux rasoir manuel est pour tous les praticiens qui se respectent le plus efficace. Alors vint un génie sorti des grandes écoles qui, un beau matin, du fin fond d’un open space de la banlieue ouest, et désireux de prendre du galon pour un jour fonder sa propre agence et décrocher des gros budges, inventa le rasoir à deux lames. Vous vous souvenez ? « La première tire le poil. La deuxième le coupe ». Elle le coupe bien mieux que ne l’aurait fait un rasoir à lame unique (remember le dessin animé qui nous montrait en macro le numéro de cirque des deux lames !). Alors voilà, les années ont passé. Nous avons tous acheté des rasoirs à deux lames, je le confesse en ce qui me concerne. Seulement le problème c’est que le type a fait des émules et il est maintenant comme une sorte de running concept qui consiste à ce que le temps qui passe s’accompagne inéluctablement de lames de rasoir qui se multiplient au bout d’un seul et même manche. Nous en sommes donc au rasoir à 5 lames. A la télé c’est ridicule évidemment (comme beaucoup de choses de télé) mais sur leur site web c’est inquiétant ; look bleu (les gars), ambiance vaisseau spatial, dégradés bleus et noirs partout, halos dans tous les coins et terminologie de laboratoire pour la touche scientifique. On se croirait dans Total Recall ou sur le plateau de Bfm TV ou de Fox News !
Alors revenons à la vocation inepte du produit et récapitulons :
1. La première lame tire le poil
2. La deuxième le coupe
Ca c’était pour l’ancêtre. Avec 5 lames, ça donne :
1. La première lame attire le poil
2. La deuxième le séduit
3. La troisième lui propose un marché
4. La quatrième le tire sans lui faire mal
5. La cinquième le rase et se barre avec.
Je propose qu’on gagne du temps et que l’on se projette dans un avenir radieux plein de fusées, de rayons multicolores et de nuits dégradées où tous les hommes auront des reflets bleus sur les jours et des regards vides d’androïdes autosatisfaits.
Je propose le rasoir à 12 lames !
1. La première lame hypnotise le poil
2. La deuxième l’allonge dans une solution anesthésiante bleue
3. La troisième le retourne délicatement
4. La quatrième lui maintient la pointe
5. La cinquième envoie des rayons nettoyeurs entre l’épiderme et le poil
6. La sixième commence l’extraction en veillant à ce que les racines ne soient pas touchées
7. La septième gueule d’aller plus vite parce qu’on n’a pas que ça à foutre et qu’il y en a encore pas mal de clients à voir
8. La huitième crie à la septième de se calmer sinon elle rend son tablier
9. La neuvième surveille les émanations d’acier galvanisé
10. La dixième exécute un mae geri sur le poil
11. La onzième lui fout un coup dans les parties génitales (les poils sont hermaphrodites)
12. La douxième prend son élan et le fauche sans un regard.
Récemment sur facebook je tombe sur une agence dite de "conseil en communication et marketing digital": qui s'appelle Rouge Interactif (pour ne pas la nommer) avec laquelle un "ami" était de venu "ami". Site clean, photos d'image bank, transparence dans tous les coins et maquette à la suisse genre que des lignes droites. Le message? Une caricature de verbiage de communicants hectoplasmiques! Goutez plutôt ces quelques morceaux choisis: "nous sommmes aussi des créateurs de rêves…faire rêver pour séduire, séduire pour faire acheter (et vas-y!) Donner du sens ( ah oui ça c'est le grand truc. Ils veulent tous "donner du sens"). On continue "…Pour vous, nous imaginons les mécaniques qui font vendre…", "nous étudions le comportement de vos consommateurs, nous mesurons la performance…". Et attention voici le must de l'argumentaire "nous pratiquons pour nos clients la rêvolution perpétuelle". Et vas-y ils te vendent même de la révolution avec accent circonflexe. C'est pas du jeu de mot ça ?????? Pour un peu ils te signeraient la révolution tunisienne!
Voilà. N’oubliez pas de boycotter tous les produits qui vous paraissent suspects et ne portez une marque visible sur vos vêtements que si l’on vous paye pour le faire !
Quand aux réclames qui suivent ce post. Fuck j'y peux rien. pour l'instant. Ils vont sûrement me mettre des pubs pour l'épilation et les rasoirs. C'est con. On y reviendra.