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4 octobre 2010

La révolution numérique

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On peut se vanter (auprès de qui ? des générations futures ?)  de vivre en direct une révolution digne de la révolution industrielle. Je veux parler évidemment de la révolution numérique, celle dont Steve jobs et Bill Gates seraient les deux héros, les deux légendes vivantes aussi. Celle qui vit arriver un jour des petites boites blanches que l’on prit tout d’abord pour des machines à écrire mais qui à terme deviendraient bien plus que ça. Il semblerait que, comme d’habitude, les scientifiques aient su de quoi il retournait, quelques sociologues en ont profité pour réapprovisionner la boite à concepts, les artistes avides d’avant-garde ont  bricolé quelques nouveaux espaces et les politiques n’ont pas senti le coup venir tout en observant les chiffres du chômage augmenter. On peut se demander ce qui fit le plus de mal, la crise du pétrole ou la révolution numérique ? Les deux mon général probablement tant l’un a accompagné l’autre. Et il est évidemment que c’est le numérique qui a contribué à globaliser le monde par l’accélération des moyens de transmission de l’information. Je signale au passage que pour écrire ce modeste billet, je suis allé (re)lire les réflexions de mon ami Hervé Fischer (http://www.hervefischer.com/index.cfm) et j’ai (re)vu la conférence de Michel Serres à l’Inria en 2005 sur le thème « les nouvelles technologies que nous apportent elles ? » (http://interstices.info/jcms/c_15918/les-nouvelles-technologies-que-nous-apportent-elles).
Le questionnement de Fischer repose, entre autre, sur l’articulation de la question de l’art et du numérique. Il propose l’idée de Beaux-arts numériques dans le sens de quelque chose qui modifie radicalement la façon de produire de l’art mais aussi le marché qui s’en empare. Serres, quand à lui, en bon élève de Leroi-Gourhan, se questionne sur ce qui dans l’histoire procède depuis toujours du rapport de l’homme avec le langage (l’esprit) et avec l’outil (le corps).
Fischer avait fait le constat d’un certain essoufflement de l’histoire de l’art— donc de l’art lui-même— en déclarant même sa fin au début des années 80 (L’histoire de l’art est terminée. Ed Balland) mais semble avoir revisité sa théorie à la lumière des nouveaux réseaux technologiques. Serres déclare que rien dans les nouvelles technologies n’est fondamentalement nouveau. A l’appui de son exemple selon lequel César, occupant la Gaule, ——s’étonnait que les messages qu’il envoyait à Rome par ses meilleurs cavaliers fussent connus des Gaulois avant même le destinataire final— l’académicien prétend que la vitesse de l’information n’est pas un phénomène nouveau, (certes) il oublie simplement de préciser que notre époque est celui du temps réel c’est à dire que le message est reçu au moment où il est émis ( !). Ça fait la différence. Mais le reste de sa démonstration est éloquent. C’est un mélange de conte occitan et de raffinement philosophique qui, entre autre vertu, peut nous aider à ne pas avoir peur ou même à ne pas être fasciné.
Revenons à l’obsession de Fischer. Je ne suis pas persuadé que « les utopies d’esthétisation de la vie et de notre environnement (architecture, design, etc.) sont tout aussi éloignées de la réalité que de nos priorités » ni que le fait de l’art soit nécessairement le fait des élites car comme il le dit par ailleurs « l’art, comme la philosophie, est plus nécessaire que jamais, pas comme légitimation, que ce soit des religions ou du capitalisme, mais comme analyse du rapport de l’homme au monde ». Depuis quelques temps en effet, chacun a fait son choix dans le grand libre service et on constate désormais que les villes comme les campagnes sont remplies d’artistes qui n’ont pas besoin de la légitimation du système marchand pour pratiquer. L’échelle du monde globale entraine paradoxalement des pratiques locales réparatrices. Il en va d’ailleurs de même de la politique que les pratiques alternatives, associatives et coopératives ont rendue à ceux qui la font. Là aussi on constate que la notion de réseau est primordiale et que le numérique en est la métaphore  autant que l’outil. Utopiquement on peut rêver ne plus avoir besoin des politiques pout faire de la politique. C’est l’affirmation qu’un « autre monde est possible » qui engendre en effet des postures artistiques nouvelles.
Mais les deux philosophes ont un point commun. Ils reconnaissent par des démonstrations différentes que nous n’avons plus de mémoire. Serres a une formule magnifique qui résonne parfaitement  dans l’actualité sociale mondiale. Il dit que nous avons « externalisé » nos facultés cognitives (mémoire raison, imagination) en les remettant à l’ordinateur. Il adopte la même formule à propos de l’imprimerie qui repoussa loin la tradition orale, donc la mémoire. Nous n’avons plus à nous souvenir, nous stockons nos souvenirs dans l’ordinateur. Nous n’avons plus de mémoire mais nous disposons de toute la mémoire du monde. Il n’existe plus désormais que des mémoires externes.
Fischer quand à lui, pousse le bouchon un peu plus en constatant que les potentialités exponentielles de stockage de mémoire (de données) sont une illusion car les supports se périment vite et l’accumulation des informations les rend confuses et inconsultables. On stocke tout et on en consulterait qu’une infime partie. La déperdition s'accumule donc elle aussi. C’est Saint-Denis portant sa tête (…externalisée).

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